La guerre est-elle absurde?

 

 

 

 

Une autorité s'affirme souveraine si, et seulement si, elle s'emploie à prévoir et parer les violences internes et externes où elle baigne. Elle détermine ce faisant l’absurdité ou non qui règle son rapport au monde. Au cours de ce sujet philosophique nous essayerons de déterminer les caractéristiques principales d’une guerre, son but et son élément déclencheur. Nous nous demanderons en quoi la guerre a-t-elle un sens? En quoi est-elle absurde ?

L'humanité ne bénéficie pas plus qu'hier d'une quelconque garantie d'immunité. S'il paraît moins probable qu'elle disparaisse d'un coup, d'un seul, son élimination par tranches est entamée. La guerre est le recours à la force armée pour dénouer une situation conflictuelle entre plusieurs collectivités organisées. Que ce soit un clan ou un état, la guerre consiste pour chacun des adversaires à contraindre l’autre à se soumettre à sa volonté.  Comme disait Sarte en 1945 après Hiroshima, « Au moment où finit cette guerre, la boucle est bouclée, en chacun de nous l'humanité découvre sa mort possible, assume sa vie et sa mort ». Puisque la violence mondiale n’a pas de frontière, son contrôle global suppose l'auto-contrôle des parties en cause. Comment induire chaque belligérant à s'auto contrôler, à ne pas abuser de leur pouvoir pour ne pas rendre une guerre absurde ? A cette question, la dissuasion nucléaire apporte une réponse positive mais limitée. On s’est rendu compte (peut-être trop tard) que l’on était capable de s’exterminer. Il est donc nécessaire que les adversaires potentiels non point s'aiment, pas même se comprennent, mais au minimum s'entendent sur les risques majeurs qu'ils se font mutuellement courir. C'est-à-dire d’éviter une guerre contraire à la raison.

 

La question du "sens" n'est pas nouvelle, mais renouvelée. Il y a quelques années elle était réglée d'avance : à l'école, à l'église, également par le service militaire obligatoire. Ainsi était-elle question de temps de paix : au moment de l'épreuve suprême tout était joué, le soldat prenait son poste moralement armé... ou pas. Aujourd'hui, la question du sens se pose non avant, mais pendant, en permanence. La réponse à l'interrogation "est-ce absurde de se battre?" n'est pas acquise une fois pour toutes. Il faut démoraliser l'adversaire, se remettre en question et ne pas avoir peur d’avouer que c’est « mal ». La guerre touche au ressort de la mobilisation des hommes et des opinions, elle abrite le secret de l'ardeur au combat et du soutien de l'arrière. On la pressent simultanément presque insoluble : il n'entre pas dans les attributions des militaires de poser au maître de philosophie ou de jouer au prêcheur. Le problème est souvent traité par la bande, d'où de nombreuses références à la guerre de l'information. Les états-majors ne peuvent viser le monopole des mass média, la prise en main de l'enseignement des valeurs et des idéaux, ni Sartre, ni Bouygues ne sont censés conduire les armées. Ce qui est en jeu lors d'une confrontation est le sens très précis que prend cette confrontation pour les acteurs qui s'y affrontent. Est-ce que tel combat vaut d'être mené ? Devons-nous attaquer ? A quoi bon résister ? Les seules informations qui aient valeur stratégique sont celles qui contiennent des éléments de réponse. Seule importe la question du « sens de la guerre ». Quelle violence risquons-nous de subir ? Laquelle pouvons-nous pratiquer ? Estimons-nous nécessaire d'en user ?

 

Les  nouveaux conflits absurdes ou non absurdes ont un poids imprévu pris par la propagande et la contre-propagande et, plus profondément, la nécessité d'intégrer au conflit la manière de le présenter ou de le masquer : l'apparaître des guerres est devenu un enjeu des guerres, lesquelles se gagnent ou se perdent souvent sur les écrans de télévision. Il serait naïf d'en déduire que les "médias" constituent un facteur supplémentaire qu'il suffirait de traiter à part. Vouloir résoudre la question de l’absurdité, ou du sens de l'existence, avant d'affronter celle des violences à combattre, détourner ou utiliser, revient à partir vaincu. Ce qui est à juger et à jauger, ce sont les menaces et le sens que les différents protagonistes leur confèrent. Longtemps les guerres ont eu un sens : guerre de religion, guerre de libération nationale, guerre des frontières ; guerres atroces où on tuait pour obliger les habitants à avoir les mêmes idées que soit. Hélas cette longue liste de tués, cette expérience vécue souvent dans les larmes et la douleur n’aura servi à rien puisque de nos jours encore la tuerie, les crimes, les horreurs continuent pour les mêmes motifs. Ici pour un tracé de frontières, là pour être indépendant et vivre comme bon lui semble ou encore parce qu’on a pas la même religion. L’homme est ainsi fait et c’est là que le mot absurde doit être employé, il trouvera encore un motif pour, peut être, redoubler de férocité. Comment faire comprendre à cet homme aujourd’hui si féroce, si sanguinaire que les guerres sont terrifiantes tant au niveau psychologie que physique. Les guerres resteront toujours absurdes car on ne sera jamais d’accord sur un tracé de frontière, on ne sera jamais d’accord avec la religion de son voisin. De nos jours, de nombreuses guerres ont un but économique, comme pour le pétrole qui est une source de conflits. D’où encore des morts, encore des crimes, encore des souffrances et des deuils pour la possession de ce pétrole. Absurde ou pas absurde de posséder ce pétrole ? Méritent-ils de mourir pour le posséder ? On peut toujours rêver, rêver d’une paix durable où l’homme ne ferait plus de mal, tout en songeant à son bien être. Autrement dit, notre conscience pense « contre », non « pour ». Elle s'efforce de dévoiler un mal commun, quitte à mettre entre parenthèses la recherche incertaine du Bien commun. Si nous vivons aujourd’hui dans un pays où règnent sécurité paix et liberté n’est-ce pas grâce à toutes ces guerres des siècles derniers ? La révolution de 1789 n’a-t-elle pas apporté la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui régit notre vie ? Napoléon Bonaparte, avec toutes ses batailles, n’a-t-il pas créé le Code Civil ?

 

La guerre a été fondatrice de notre monde d’aujourd’hui. Elle restera toujours absurde pour ses souffrances, ses malheurs mais elle restera toujours inévitable parce que l’homme ne peut changer. Absurde aujourd’hui, souvent oubliée le lendemain, parfois bénéfique pour la liberté, la sécurité et le bien-être d’un citoyen.

 

 

 

LIEBENGUTH Romain

* Retour *

 

[nOrThFaCe]©2003-2004  .:.  webmaster: northface